Revue d'analyse institutionnelle

Les Cahiers de l'implication, n°1 été 06

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Autogestion

La Revue d’analyse institutionnelle - Les Cahiers de l’implication contribue au développement du champ théorique et praxéologique de l’analyse insitutionnelle en le travaillant :

- dans sa capacité à traiter des problématiques sociétales majeures et de leurs implications tant locales que trans-nationales

- dans sa confrontation sur les thèmatiques retenues, à d’autres approches complémentaires ou contradictoires

Ce premier numéro de la Revue d’analyse institutionnelle - Les Cahiers de l’implication propose un ensemble d’articles consacré au thème de l’autogestion. En choisissant de travailler une question si fortement liée au début de l’analyse institutionnelle, nous prenions le risque de réunir des discours nostalgiques sur une époque révolue. Au final, c’est l’actualité pratique de l’autogestion qui se manifeste dans nos pages. L’effort aura finalement été inverse à celui que nous avions envisagé : au lieu d’avoir à insister auprès des contributeurs pour qu’ils inscrivent leurs textes dans le présent, nous avons dû faire l’effort de retrouver les liens, parfois très distendus, entre les préoccupations autogestionnaires actuelles et les expériences et élaborations du passé.

 

Présentation du numéro

  

Ce premier numéro de la Revue d’analyse institutionnelle - Les Cahiers de l’implication aurait pu être le septième numéro de la revue Les Cahiers de l’implication - Revue d’analyse institutionnelle. Ce changement de nom est donc un renversement qui marque une évolution dans la manière dont la revue entend se présenter. Notre horizon sera plus explicitement ouvert aux différents concepts et approches de l’analyse institutionnelle, les lecteurs attentifs remarqueront que cette nouvelle orientation tendait déjà à s’imposer dans les précédents numéros, le concept d’implication y étant sans doute moins formellement présent que dans les premiers. Cette observation ne signifie pas pour autant que ce concept disparaisse. Il reste de toute évidence au centre des travaux en analyse institutionnelle comme le montre le présent numéro.

En inversant titre et sous-titre, nous marquons également que le renouvellement de la composition du comité de rédaction et de ses préoccupations doit pouvoir se traduire dans l’affichage que nous faisons de notre travail, tout en essayant ainsi de rendre visible le processus de production d’une revue universitaire. Ainsi, avant d’en arriver à l’écriture de cet éditorial, il nous a fallu traiter de questions telles que celle du cadre institutionnel de la revue ou de celle du fonctionnement de son comité de rédaction. Ces questions se trouvent en résonance directe avec le thème du numéro, l’autogestion, lui-même arrêté après un été 2003 au cours duquel une nouvelle occupation du Larzac par les altermondialistes avait eu lieu. Nous avons dû faire l’effort, pendant les trois années de maturation de ce numéro, de retrouver les liens, parfois très distendus, entre les préoccupations autogestionnaires actuelles et les expériences et élaborations du passé.

 Comme pour marquer davantage sa singularité, cette livraison n’est pas organisée en rubriques mais suit une progression qui part de nos interrogations en tant que collectif pour aller vers celles d’autres groupes en France et dans d’autres pays. Interrogations qui vont aussi des lieux de production aux lieux d’éducation.

 L’article de Régine Angel et Virginie Audiguier ouvre le numéro en reprenant les interrogations des membres de notre comité de rédaction sur son propre fonctionnement : peut-on parler d’une autogestion des Cahiers ? Les deux auteurs ont cherché les traces de cette autogestion dans la courte histoire de notre revue, fondée en 1997. Dans le même ordre d’idée, Gwenaël Couïc nous propose un petit tour « dans la cuisine » : on y sent comme un parfum d’autogestion, une atmosphère... Vincent Enrico présente ensuite les résultats d’une enquête qu’il a menée auprès d’autres groupes pour comprendre comment ceux-ci expliquent leur cheminement jusqu'à l’autogestion. Entre parcours individuels et contexte historique, l’autogestion devient ainsi l’analyseur non seulement du fonctionnement mais aussi de l’histoire d’un collectif.

 Les quatre articles suivants, ainsi qu’une note sur le film The Take, donnent une idée de la variété des approches de l’autogestion en Amérique du Sud. Gilles Monceau propose d’abord une « dérive » qui reflète l’esprit de ce numéro. Cet article nous conduit en effet des rues de Buenos Aires aux écoles françaises, en déroulant le fil de l’idée d’une autogestion qui serait un mode d’organisation propice à l’analyse, mêlant pratiques sociales et théorisation de celles-ci. Comme il le montre, la crise économique de 2001 a eu notamment pour conséquences une résurgence récente de l’autogestion dans un certain nombre d’entreprises.

Pour rester en Argentine, Virginia Schejter analyse ensuite les conséquences individuelles et collectives de la prise d’une usine par ses ouvriers sous l’angle de l’émergence de nouveaux imaginaires et de la transformation des identités. Cette dimension de l’autogestion est reprise, pour le Brésil, par Ana Lucia Abraho qui s’interroge sur les interférences entre mode de gestion et production de subjectivité à travers l’analyse du fonctionnement d’un hôpital brésilien après des réformes ayant favorisé l’autonomie de certaines équipes de travail.

Marisa Lopes da Rocha, quant à elle, décrit l’intervention d’universitaires dans un établissement scolaire et la tentative d’y insérer des micropolitiques autogestionnaires. Ces deux articles proposent dans un même contexte national des approches différentes qui, cependant, posent toutes deux l’autogestions comme un moyen - de réorganisation, de formation, de gestion - plutôt que comme une fin.

 Cette dimension opératoire de l’autogestion est également présente dans les trois articles suivants qui examinent la mise en œuvre de pratiques autogestionnaires dans le champ éducatif à travers le cas des établissements expérimentaux d’enseignements secondaires crées en France il y a vingt-cinq ans. Maria Papantoniou montre, à partir de « lieux communs » relevés au Lycée Autogéré de Paris (LAP), comment l’autogestion est interrogée au quotidien par des enseignants et des élèves pris dans un processus d’institutionnalisation de celle-ci. Roland Petit, enseignant au Lycée expérimental de Saint Nazaire interroge ensuite l’alternative, autogestion ou cogestion. En en décrivant les institutions internes, il nous permet de saisir de quelle manière se fait la distinction entre ces deux approches. Morad Amrouche, quant à lui, donne un éclairage particulier sur le LAP en décrivant et en analysant précisément le fonctionnement disciplinaire de l’établissement. Le cadre autogéré conduit à une redistribution des rôles et le maintien de la discipline, ce qui interroge la question de l’autorité. Par ailleurs, la présentation d’un DEA, dans la rubrique « actualité, sur la genèse des établissements expérimentaux, complète cette série d’articles.

 Que ce soit dans le secteur public - éducatif ou hospitalier - ou privé, l’autogestion apparaît comme un mode d’organisation et un moyen d’analyse du quotidien, parfois les deux en même temps. Mais elle peut aussi constituer un objectif à atteindre, une visée politique, une « utopie ». D’où cette question récemment posée par un colloque dont un compte rendu des actes se trouve en fin de numéro : « Autogestion : la dernière utopie ? ». En contrepoint à cette question et pour conclure pour ce numéro, Dominique Samson propose une réflexion sur les implications politiques des usages du mot utopie.

 Si les différentes contributions de ce premier numéro de la Revue d’analyse institutionnelle mettent en évidence l’actualité de l’autogestion, il apparaît également que celle-ci est aujourd’hui moins revendiquée comme idéal politique. Elle se présente peut-être désormais plus nettement comme analyseur des processus institutionnels. Ceci au risque de son instrumentalisation dans un rabattement sur les pratiques sociales localisées. Une autogestion pour apprendre, gérer ou analyser...

 

Vincent Enrico, Maria Papantoniou, Dominique Samson, Gilles Monceau

 

 

 

SOMMAIRE

Présentation du numéro ........................................................................................................................................... 3

 R. ANGEL et V. AUDIGUIER : l’autogestion et la revue des Cahiers de l'implication .................................. 9

 G. COUÏC : Dans la cuisine (interne) ................................................................................................................... 21

 V. ENRICO : Naissance de l’autogestion dans les groupes actuels .............................................................. 25

 G. MONCEAU: Autogestion et apprentissages politico-gestionnaires ....................................................... 39

 V. SCHEJTER : “ On n’est plus les mêmes ” ..................................................................................................... 47

 A-L. ABRAHÃO : Le comité de coordination : une expérience de cogestion et une analyse

         des possibilités d’autogestion dans un hôpital ....................................................................................... 53

 M. LOPES da ROCHA : Analyse institutionnelle

         et pratiques de formation : un projet autogestionnaire ........................................................................... 61

 M. PAPANTONIOU : Petites histoires sur l’autogestion, d’après les éléments d’une recherche

        menée au Lycée Autogéré de Paris (LAP) ................................................................................................. 75

 R. PETIT : Lycée expérimental de Saint-Nazaire : vie quotidienne et institutionnalisation ....................... 87

 M. AMROUCHE : Surveillance et maintien de la discipline en milieu scolaire autogéré :

         le cas du lycée autogéré de Paris ............................................................................................................... 99

 D. SAMSON : Petite histoire du mot utopie -

        Ou comment délégitimer discours et pratiques sociales ........................................................................ 111

 

 

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